Vélib’ fête son premier anniversaire. Plus qu’un succès commercial, un véritable phénomène social gagne la capitale.
Je cherche une borne, j’attends un bip et j’enfourche mon Vélib’. Sur ma monture, j’en ai de l’allure, à moi les rues de Paris. Nouveau nomade, je pédale, libre comme l’air. La ville à ciel ouvert, plus rien ne me désespère. La roue semble tourner pour les frustrés des souterrains comme si les bandes blanches sur la route pansaient les plaies du quotidien. Le ciel en haut, la Seine en bas, le rêve est sur ma selle et la vie est devant moi.
Rue de Rivoli, je dépasse un taxi, à Sébastopol, je reste en pôle, feu rouge à Montrouge, feu vert à Denfert, mon copain Vélib’ fête son premier anniversaire ! En l’espace d’un an, la Vélibmania a gagné la capitale : plus de 27 millions de locations, 20 millions de recettes, 200.000 abonnés et un grand plan d’extension.
Vé comme Vélo, Lib comme liberté, comment les Parisiens sont-ils devenus des adeptes de la bicyclette au gris doré ?
Parce qu’à vélo, on se sent aussi léger et libre qu’une plume portée par le vent. Plus de tickets, plus de stress et plus d’emploi du temps. On prend un Vélib' pour se rendre au travail, aller au cinéma, faire une course ou retrouver sa moitié. « Les gens apprécient le sentiment de liberté qu'il procure. On n'est plus obligé d'organiser sa journée en fonction du moyen de transport choisi le matin », résume Anaïs Rocci, chercheuse à l'Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (Inrets).
Les Parisiens soulignent deux autres avantages selon la chercheuse : l'incitation à faire du sport et le prix du service, jugé très peu cher. Je soigne ma ligne sur les pistes cyclables quand d’autres se perdent dans des salles de sport inabordables. Je roule et ça roule pour mon petit corps dans la récompense de l’effort. Les mains sur le guidon, je soigne aussi ma conscience, je roule écolo dans le nuage de pollution, difficile parfois de respirer, mais tel est le prix à payer pour les mordus du guidon.
Le phénomène ne s’arrête pas là. Les habitués, rapidement baptisés « vélibistes » ou « vélibeurs », voire « vélibataires » ou « vélibobos », ont même développé des codes, comme celui qui consiste à retourner la selle d'un vélo présentant un défaut, roue crevée ou chaîne cassée. Certains, dit-on, utilisent désormais ce procédé pour s'assurer que personne ne prendra « leur » bicyclette... On ne sait plus trop si on s’entraide ou si on se met des bâtons dans les roues, on reste parisiens après tout…
Si le Vélib' continue son opération séduction, c’est aussi parce qu’il s’adresse à tout le monde. « Chacun a pu constater que l'on peut rouler en costume ou avec des talons, sans être obligé de porter un short en Lycra comme les coureurs », relève Christine Lambert, présidente de Mieux se déplacer à bicyclette (MDB), une association de cyclistes.
Jeune ado branché sur son Ipod, jeune cadre déjà plongé dans sa réunion, belle plante en minijupe attention… C’est un drôle de tour auquel nous assistons. Parfois à un feu rouge, on s’étonne d’avoir derrière soi un peloton de parisiens aux profils différents et bizarrement, la conversation vient plus facilement. Comme si le Vélib déliait les langues. On a le même vélo, les mêmes codes, alors parlons-nous en pédalant.
Bien sûr, il y a toujours les mécontents. Ceux qui mettent en avant les problèmes de sécurité, comme les bus et les taxis. D’autres se plaignent de la qualité du réseau cyclable et de la détérioration de nombreux vélos, mais le succès est indéniable. À tel point que Véilb’ n’a pas tardé à passer les frontières de la France. Rome propose depuis le mois de juin "Roma’N’Bike", tandis que Londres possèdera son propre réseau en 2010. Chicago pourrait suivre la voie ouverte par Paris dans les prochains mois…
26 millions de trajets d’une durée moyenne de 18 minutes : c’est ce que les Vélib’ ont effectué sur 1 an. Ça en fait des rencontres et ça en fait des rêveries ! Le peloton s’agrandit et la caravane passe dans les rues de Paris. La Mairie a même prévu de sélectionner des abonnés pour accompagner l’arrivée des stars du tour de France sur les Champs-Élysées. Négatifs à l’EPO, positifs au petit vélo, ils se feront un plaisir de parader sur leurs pavés quotidiens.
N'oublions pas que les Velib' peuvent être un support de communication. En image avec Act Up, Association de lutte contre le Sida.
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