C’était une nuit chaude de fin d’été. Une de ces nuits où l’on sent qu’un drame va se produire.
Les invités, peu à peu, s’amassaient dans la grande salle de réception. La promiscuité des individus contribuait à la montée du mercure. Cette foule transpirante et assoiffée trouva alors refuge auprès des îlots de boissons disséminés dans la pièce. Champagne, Perrier, et autres liquides rafraîchissants firent leurs bons offices. Mais à quoi bon lutter quand, tout à coup, alors que vous retrouvez enfin un semblant de dignité dans vos frusques trempées, apparaît au détour d’un groupe de personnes, celle que nous appellerons, par souci de discrétion, Elodie G, Miss France de son état et Miss Europe ; pas une de ces Miss sur le retour, de celles qui insistent sur le fond de teint pour masquer la perfidie du temps qui passe, qui se peroxydent la chevelure et croient encore qu’avoir le brushing à la Joan Collins est toujours tendance, mais LA Miss, celle qui fascine la petite fille, celle qui provoque un petit rictus envieux sur le visage des autres femmes, celle qui fait trembler le plus vaillant des séducteurs…
Donc Elodie G, souveraine dans sa robe longue et arborée de son écharpe, d’un pas gracieux se dirige vers le piètre individu que je suis. Mon cœur bat. Je l’entend. Mon cœur bat plus fort. Je me tétanise. J’esquisse un timide sourire. Avance d’un pas. Et là c’est le drame, ou tout au moins le premier malheur de la soirée : elle passe à coté de moi, ne me remarque pas. Son sourire ne m’était pas destiné. La confusion est honteuse. Comment ai-je pu croire, un seul instant, à ce petit miracle ?
Alors, dépité, encore sur le coup du KO, je me fraye un chemin parmi les invités pour atteindre le bar et me consoler avec ma plus fidèle amie, ma coupe de champagne… je me suis mis à déambuler, slalomant dans cette foule hétéroclite, le verre à la main, jusqu'à atteindre la terrasse où quelques personnes de ma connaissance conversaient dans la bonne humeur. J’y vois enfin mon salut et me greffe à la conversation en cours…
Et là, vous l’avez sûrement deviné, car le bonheur étant toujours de courte durée, et un malheur n’arrivant jamais seul, survint le deuxième drame de la soirée. Un attroupement ! des cris ! des gens qui s’affolent ! et au milieu, celle qui s’est auparavant refusée à moi, Elodie G, en personne, accroupie, au chevet d’une femme gisant sur le sol, face contre le pavé. La détresse dans les yeux d’Elodie G me saisit. Prêt à la réconforter mais ne voulant pas revivre l’échec cuisant précédent, j’ai préféré résister à la tentation et ai feint un désintérêt total de la situation. Pourtant j’aurai tant aimé qu’elle crie mon nom, qu’elle me supplie de l’aider. Alors dans un geste héroïque, j’aurais sauvé la pauvre enfant de son désarroi et elle m’aurait remercié en me permettant d’accéder à mes désirs les plus interdits…
Soudainement, telle l’immaculée conception, toute vêtue de blanc, une femme que nous appèlerons Sophie R (pour des raisons, là encore, de discrétion) surgit de nulle part, fonça sur la pauvre victime, rassura la pauvre Miss hébétée, repris les choses en main avec une conviction et une dévotion à faire frémir Sainte Thérèse de Lisieux. C’est ainsi que notre sœur Emmanuelle de la Night parisienne, notre sainte patronne du World Potatoes Tour, veilla cette brebis estoquée une longue partie de la soirée… la béatification et la canonisation nous serons précisées dans les prochains mois.
Après ce deuxième coup de semonce, la soirée s’enfonce définitivement dans une certaine torpeur. J’aurai dû en rester là. Non ! Je persiste et signe !
Et donc pour ne pas perdre les bonnes habitudes, je continue mon tour d’horizon, coupe de champagne en main, et tombe, nez à nez, sur une diseuse de bonne aventure. Ne faisant ni une ni deux, cette Esméralda de pacotille me prend les mains, les ausculte, les tourne et les retourne, ferme les yeux, prend l’air inspiré et commence ses prédictions : « je sens un formidable épanouissement professionnel (jusque-là pas de problème), je sens que vous avez trouvé votre voie (toujours OK), je sens qu’à l’age de 40 ans vous aller prendre une nouvelle direction professionnelle (ha !)… »
Mais bon, venons-en vraiment à ce qui nous intéresse et à ce qui vous tient en haleine : l’amour et le sexe…
« je sens, je sens, je sens… dites-moi il va falloir revoir vos prétentions, la femme parfaite n’existe pas (ah bon !)… je sens, je sens, je sens que vous ferez une rencontre décisive… l’été prochain… »
Voilà troisième coup, le plus bas, le plus dur, encore 10 mois à attendre… Misère, misère…
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